Le train part, accélère. Je suis à un
point de non-retour. Il m’emmène vers cet homme inconnu sur lequel je fantasme
depuis plusieurs jours sans n’avoir rien vu de lui ! J’ai la peur au
ventre et il faudra la contrôler pendant des heures. J’ai la sensation d’aller
vers un instant de vérité pour ma vie. Ou vers la mort ? Encore une
exagération, un délire de mon imagination…
J’ai le cerveau en ébullition. Plein
d’images et de fantasmes, de promesses de plaisirs sauvages. De soumission
au-delà de mes expériences, de perte de contrôle au-delà des sens. Il va venir
comme une grande ombre noire, toujours plus proche de moi. Après m’avoir ausculté
sous toutes les coutures, reniflé tous les orifices du corps, Il va m’ouvrir et
m’écarter dans mes diagonales et se caler sur moi avant de pénétrer mon cul
agité et excité par la peur.
Hier soir, au téléphone, j’ai entendu sa
voix. Je l’aie trouvée agréable et rassurante. Il m’a parlé de forêt, d’humus
et de terre. De l’été et des foins odorants, des moissons et de la canicule.
Avec le désir de m’attacher aux arbres, de me rouler dans la boue et me faire
jouir dans la terre.
Mais cette nuit dans mon sommeil, il
était à nouveau une ombre pleine de puissance.
Maintenant le train tremble sous les
assauts du vent. Et ce souffle sauvage prend possession de mon corps.
Il me met un bandeau sur les yeux tout
en me caressant la nuque. Puis déshabille mon corps et m’attache au tronc d’un
arbre, le torse appuyé tout contre. Je maitrise mes tremblements et concentre
tout mon esprit à dépasser ma peur.
Les arbres embaument de leurs parfums de
fleurs. Cerisiers, abricotiers, pommiers et poiriers bourdonnent d’insecte en
quête de pollens. Le soleil de fin d’après-midi est encore chaud sur mes
cuisses et mon dos. La terre, légèrement humide, distilles des parfums herbeux.
J’ai les bras en croix autour du tronc de l’arbre et je sens son odeur
d’écorce. Mes chevilles sont entravées par une corde, les pieds nus sur
l’herbe. Je bande. Mon sexe frotte l’écorce dure.
J’ai le sentiment d’être seul, comme
s’il m’avait laissé après m’avoir attaché. S’est-il éloigné ou m’observe-t-il
silencieusement ?
Je monologue avec les chants du vent et
des oiseaux. Je suis vraiment seul, nu et attaché, les yeux bandés au milieu de
ce verger merveilleux. Des pétales de fleurs virevoltent dans l’air et viennent
se coller sur ma peau. Sensualité extrême.
Attente.
Textes extraits de : "l'ange dominateur" copyright Tipol